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Yémen, une décennie de chaos entre silence et complicité

  • Alice
  • 14 avr.
  • 13 min de lecture

Depuis plus d’une décennie, le Yémen est plongé dans un conflit qui semble sans fin. Entre rivalités régionales marquées par des luttes d’influence internationale et crises humanitaires, le pays est devenu le théâtre d’une des guerres les plus meurtrières et les moins médiatisées de notre époque. Pourtant, derrière les chiffres et les bilans, il y a une population qui souffre.


Un conflit enraciné dans les fractures du passé


Le Yémen, pays situé à l’extrême sud de la péninsule arabique, est depuis longtemps marqué par des divisions politiques, tribales et religieuses qui ont façonné son histoire contemporaine. Comprendre le conflit actuel nécessite de remonter plusieurs décennies en arrière, aux dynamiques qui ont façonné le pays et aux rivalités régionales qui l’ont transformé en un champ de bataille entre puissances extérieures.


Avant 1990, le territoire du Yémen était divisé en deux États distincts :


  • Le Yémen du Nord, officiellement connu sous le nom de République arabe du Yémen, était gouverné par un régime républicain influencé par les tribus et les forces conservatrices.

  • Le Yémen du Sud, ou République démocratique populaire du Yémen, était un État socialiste soutenu par l’Union soviétique, avec un système centralisé et une idéologie marxiste.


L’effondrement de l’URSS en 1990 précipite la réunification des deux États sous la présidence d’Ali Abdallah Saleh, dirigeant du Yémen du Nord depuis 1978. Toutefois, cette unification est loin d’être harmonieuse : les tensions entre le nord et le sud persistent, culminant avec une guerre civile en 1994, qui voit Saleh écraser la tentative de sécession du Sud.

Au cours des années suivantes, le président Saleh adopte une politique de gouvernance autoritaire, s’appuyant sur un réseau d’alliances tribales et militaires pour maintenir son pouvoir.

Cependant, plusieurs groupes contestent son autorité :


  • Les Houthis, un mouvement zaïdite (une branche du chiisme) basé dans le nord du pays, s’opposent à la marginalisation de leur communauté et au soutien de Saleh à l’Arabie saoudite. Entre 2004 et 2010, ils mènent plusieurs révoltes contre le gouvernement, réprimées par l’armée yéménite.

  • Le mouvement sudiste, regroupant des indépendantistes nostalgiques du Yémen du Sud, réclame plus d’autonomie voire une nouvelle sécession.


Ces tensions persistent jusqu’en 2011, où le Printemps arabe déclenche une vague de contestation populaire contre Saleh.

En janvier 2011, à la suite des soulèvements en Tunisie et en Égypte, des manifestations massives éclatent au Yémen. La corruption, le chômage et la répression brutale du régime attisent la colère populaire. Après plusieurs mois de protestations et sous la pression de la communauté internationale, Ali Abdallah Saleh accepte de quitter le pouvoir en novembre 2011. Il cède sa place à son vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi, dans le cadre d’un accord négocié sous l’égide des monarchies du Golfe.

Mais la transition politique s’avère chaotique. Hadi peine à instaurer un gouvernement stable et à gérer les défis économiques et sécuritaires du pays. Les Houthis, qui avaient accepté une trêve sous Saleh, en profitent pour regagner du terrain. En 2014, ils prennent le contrôle de la capitale Sanaa, renversant le gouvernement.

Fait paradoxal, l’ex-président Saleh, qui les avait combattus pendant des années, s’allie avec eux dans l’espoir de reprendre le pouvoir. Ce retournement de situation déstabilise encore plus le pays et conduit directement à une intervention régionale.


Face à l’avancée des Houthis et à la fuite de Hadi vers l’Arabie saoudite, une coalition militaire dirigée par Riyad lance en mars 2015 l’opération Tempête décisive pour restaurer le gouvernement yéménite. Cette coalition, composée principalement de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis (EAU), bénéficie du soutien logistique et en armement des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France.

Ce qui devait être une intervention rapide se transforme en un conflit prolongé et meurtrier. La coalition bombarde massivement les positions houthies, mais peine à reprendre Sanaa. En parallèle, le Sud du Yémen devient un champ de bataille entre différentes factions : Les forces pro-gouvernementales fidèles à Hadi, soutenues par l’Arabie saoudite ; les séparatistes du Conseil de transition du Sud (CTS), soutenus par les Émirats arabes unis, qui veulent restaurer l’indépendance du Yémen du Sud et les groupes terroristes comme Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et l’État islamique, qui exploitent le chaos pour étendre leur influence.

En 2017, la guerre prend un tournant majeur lorsque l’alliance entre les Houthis et Saleh se brise. Saleh tente un rapprochement avec l’Arabie saoudite, mais il est rapidement capturé et exécuté par les Houthis en décembre 2017.

Depuis, le conflit s’est enlisé, avec des cycles de trêves temporaires et de nouvelles escalades militaires.


Le conflit au Yémen ne se limite pas à une guerre civile entre factions rivales. Il s’agit d’un conflit régional et international, où plusieurs puissances s’affrontent indirectement. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis soutiennent le gouvernement reconnu par la communauté internationale. L’Iran est accusé d’armer et d’entraîner les Houthis, bien que Téhéran nie toute implication directe. Les États-Unis et les puissances occidentales jouent un rôle ambivalent : s’ils appellent à la paix, ils continuent de vendre des armes à la coalition saoudienne.


Le conflit est aussi marqué par une guerre économique. Le blocus imposé par la coalition empêche l’acheminement de nourriture et de médicaments, aggravant la crise humanitaire. La fragmentation du pays a donné lieu à deux économies distinctes, le Nord et le Sud ayant chacun leur propre monnaie et politique monétaire.

Depuis la trêve négociée en avril 2022, le Yémen connaît une baisse des combats, mais aucun accord de paix durable n’a été trouvé. Le pays reste divisé et l’incertitude plane sur son avenir.


La situation actuelle : un fragile équilibre entre trêve et tensions persistantes


Après plus de huit ans de guerre, le Yémen demeure dans un état de crise chronique. Si la trêve négociée en avril 2022 a permis une relative accalmie sur certains fronts, elle n’a pas conduit à une résolution durable du conflit. Le pays reste divisé en plusieurs zones d’influence, chaque acteur consolidant ses positions tandis que la situation humanitaire continue de se détériorer.


En avril 2022, sous l’égide de l’ONU, une trêve temporaire a été conclue entre les belligérants, permettant une diminution des combats. Cette trêve a marqué une pause après des années d’intenses bombardements et d’affrontements sur le terrain. Parmi les mesures clés de cet accord :

  • L’arrêt des frappes aériennes de la coalition saoudienne sur les positions houthies.

  • Une réduction des attaques de drones et de missiles balistiques des Houthis contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

  • La réouverture partielle de l’aéroport de Sanaa, sous contrôle houthi, permettant des vols commerciaux limités.

  • L’assouplissement du blocus maritime imposé par la coalition, facilitant l’acheminement de carburant et de certaines denrées essentielles vers le nord du pays.


Toutefois, malgré ces engagements, les tensions demeurent palpables. Si les combats de grande envergure ont diminué, les affrontements sporadiques persistent dans plusieurs régions stratégiques comme Marib, Taïzz et Hodeïda.


Marib : un front toujours actif

Marib, située dans le centre du pays, est une région stratégique en raison de ses richesses pétrolières. Depuis plusieurs années, elle est le théâtre d’intenses combats entre les Houthis et les forces gouvernementales. Si la trêve a ralenti l’offensive houthie, ces derniers continuent d’exercer une pression militaire sur la ville, cherchant à s’emparer de ses ressources énergétiques cruciales.


Taïzz : une ville assiégée

Taïzz, troisième plus grande ville du Yémen, est partiellement encerclée par les Houthis depuis 2015. Bien que la trêve ait permis une réduction des combats, le blocus terrestre imposé par les rebelles empêche toujours l’acheminement de denrées alimentaires et de médicaments. Les habitants vivent dans des conditions extrêmement précaires, et les violations du cessez-le-feu y sont fréquentes.


Hodeïda : un équilibre fragile

Le port stratégique de Hodeïda, sur la mer Rouge, joue un rôle essentiel dans l’acheminement de l’aide humanitaire. Un accord de désescalade avait été signé en 2018 à Stockholm pour éviter une bataille qui aurait pu aggraver la famine. Depuis, la ville reste sous contrôle des Houthis, mais des escarmouches sporadiques opposent les forces loyalistes et les rebelles dans les zones périphériques.



Aujourd’hui, le Yémen est morcelé en plusieurs entités rivales :


  • Le Nord, dominé par les Houthis, qui contrôlent Sanaa et la majorité des grandes villes du nord-ouest. Ils ont instauré un gouvernement parallèle et imposent une administration stricte sur les populations sous leur contrôle.

  • Le Sud, sous l’influence du Conseil présidentiel de leadership (CPL), soutenu par l’Arabie saoudite. Toutefois, ce gouvernement est affaibli par des divisions internes, notamment avec les séparatistes du Sud.

  • Les séparatistes du Sud, regroupés sous le Conseil de transition du Sud (CTS) et appuyés par les Émirats arabes unis, contrôlent Aden et certaines régions méridionales, revendiquant l’indépendance de l’ancien Yémen du Sud.

  • Les zones sous influence terroriste, notamment dans les provinces de l’est comme l’Hadramout et l’Abyan, où Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et Daech exploitent le chaos pour mener des attaques et recruter des combattants.


Cette fragmentation complique encore davantage les négociations de paix. Chaque faction poursuit ses propres objectifs, rendant difficile toute réconciliation nationale.


Si l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient initialement alliés dans leur intervention militaire au Yémen, leurs intérêts divergent de plus en plus.

L’Arabie saoudite, après des années de guerre coûteuse et impopulaire, cherche à se désengager progressivement. Riyad négocie directement avec les Houthis dans l’espoir de sécuriser sa frontière sud et d’obtenir un cessez-le-feu durable.

Les Émirats arabes unis, en revanche, cherchent à établir une influence durable dans le sud du Yémen, en soutenant les séparatistes du CTS et en renforçant leur présence militaire sur des îles stratégiques comme Socotra.


Ces tensions entre Riyad et Abou Dhabi rendent plus complexe la mise en place d’un front unifié contre les Houthis et ralentissent les négociations de paix.


Malgré les efforts de médiation des Nations unies et d’Oman, les discussions de paix peinent à aboutir. Les principales points de blocage restent :


  • La reconnaissance mutuelle entre les Houthis et le gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite.

  • Le partage des ressources économiques, notamment le pétrole de Marib et les ports commerciaux.

  • La fin des sanctions internationales imposées aux Houthis, qui compliquent les importations de biens essentiels.

  • La création d’un gouvernement inclusif, capable de réunifier un pays aujourd’hui morcelé en plusieurs factions.


Le Yémen se trouve donc dans une situation paradoxale : si les combats de grande envergure ont diminué, la paix reste hors de portée. L’absence de solution politique prolongera la crise humanitaire et la souffrance des civils, tandis que le pays risque de sombrer dans une instabilité chronique, à l’image de la Somalie ou de la Syrie.


Les États-Unis et le Yémen : une relation ambivalente entre soutien militaire et dilemme moral


Depuis le début du conflit yéménite, les États-Unis ont une place importante, bien que souvent discrète. Leur implication oscille entre un soutien militaire à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et une volonté affichée de promouvoir une résolution diplomatique. Toutefois, cette posture ambivalente a alimenté des critiques sur la responsabilité américaine dans l’aggravation du conflit et la catastrophe humanitaire qui en découle.


Dès 2015, lorsque l’Arabie saoudite lance son intervention militaire au Yémen pour soutenir le gouvernement d’Abd Rabbo Mansour Hadi contre les rebelles houthis, les États-Unis apportent un appui décisif à la coalition. Ce soutien prend plusieurs formes :


  • Fourniture d’armes : Washington a vendu des milliards de dollars d’équipements militaires à Riyad et Abou Dhabi, notamment des avions de chasse, des missiles de précision et des drones.

  • Soutien logistique : Jusqu’en 2018, les États-Unis assuraient le ravitaillement en vol des avions saoudiens, leur permettant de mener des frappes aériennes prolongées contre les Houthis.

  • Renseignement et formation : L’armée américaine fournit des données de surveillance aux forces saoudiennes et forme leurs pilotes et troupes au sol.


Ce soutien militaire place les États-Unis dans une position délicate. Alors que Washington affirme lutter pour la stabilité régionale, son assistance à la coalition saoudienne est directement impliquée dans des frappes meurtrières, ayant causé des milliers de morts parmi les civils et aggravé la crise humanitaire.


Parallèlement à son soutien à la coalition, Washington mène sa propre guerre au Yémen contre Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et d’autres groupes djihadistes. Depuis l’administration de Barack Obama, les États-Unis utilisent massivement les frappes de drones pour éliminer des chefs terroristes présumés. Cette stratégie s’intensifie sous Donald Trump, qui assouplit les règles d’engagement, entraînant une augmentation des frappes.

Les résultats de cette campagne sont controversés :

  • Si plusieurs figures importantes d’AQPA ont été éliminées, l’organisation reste bien implantée dans certaines régions du sud et de l’est du Yémen.

  • De nombreuses frappes ont causé des pertes civiles, suscitant des critiques sur l’usage indiscriminé des drones.

  • L’instabilité du pays a permis aux groupes terroristes de profiter du chaos pour recruter et s’implanter durablement.


Avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche en 2021, les États-Unis annoncent un changement de politique vis-à-vis du Yémen :


  • Fin du soutien aux opérations offensives de la coalition saoudienne. Biden suspend certaines ventes d’armes et met fin au ravitaillement en vol des avions saoudiens.

  • Nominations de diplomates spécialisés pour relancer les négociations de paix sous l’égide de l’ONU.

  • Pressions sur Riyad pour qu’elle accepte une désescalade du conflit et engage des discussions avec les Houthis.


Ces mesures marquent une rupture avec l’approche précédente, mais elles restent limitées. Washington continue de vendre des armes défensives à l’Arabie saoudite et maintient un dialogue stratégique avec Riyad.


Les États-Unis sont confrontés à un paradoxe géopolitique au Yémen. D’un côté, ils cherchent à se distancer de la guerre, consciente des critiques sur leur rôle dans la crise humanitaire. De l’autre, ils doivent maintenir leur alliance avec l’Arabie saoudite, un partenaire clé face à l’Iran et un acteur stratégique dans l’approvisionnement énergétique mondial.


De plus, Washington craint que le retrait total de son soutien ne profite aux Houthis et à l’Iran, renforçant leur influence dans la région. Cette crainte explique pourquoi les États-Unis n’ont jamais totalement cessé leur assistance sécuritaire à Riyad.


La politique américaine au Yémen est vivement critiquée par les organisations humanitaires, qui accusent Washington de complicité dans les bombardements saoudiens ayant frappé des écoles, des hôpitaux et des infrastructures civiles, par certains membres du Congrès, en particulier parmi les démocrates, qui tentent de faire adopter des lois restreignant la vente d’armes à l’Arabie saoudite et enfin par les défenseurs des droits de l’homme, qui dénoncent l’usage massif des drones et les exactions commises par les milices soutenues par Washington.


Les Conséquences Humanitaires : Un Pays au Bord de l’Anéantissement


Le Yémen est aujourd’hui le théâtre de l’une des pires crises humanitaires de l’histoire moderne. Après plus de huit ans de guerre, la population fait face à des souffrances incommensurables : famine, maladies, déplacements massifs et effondrement des services essentiels. L’ONU, ainsi que de nombreuses ONG, qualifient la situation de catastrophe humanitaire d’origine humaine, soulignant la responsabilité des belligérants et de leurs soutiens internationaux.


La guerre a gravement perturbé l’approvisionnement en nourriture et en eau, plongeant des millions de Yéménites dans une situation de famine chronique. Les bombardements, le blocus maritime imposé par la coalition saoudienne et l’effondrement de l’économie ont conduit à une dépendance presque totale aux aides internationales.

17 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, dont 2,2 millions d’enfants gravement sous-alimentés. Près de 80 % de la population (environ 24 millions de personnes) a besoin d’une aide humanitaire pour survivre. Les infrastructures agricoles ont été détruites, rendant le pays incapable de produire suffisamment de nourriture pour subvenir aux besoins de sa population.


Le système de santé yéménite est au bord de l’effondrement. La guerre a détruit plus de 50 % des hôpitaux, et ceux qui fonctionnent encore manquent de personnel, de médicaments et d’équipements. Le choléra est réapparu à grande échelle, causant plus d’un million de cas depuis 2017. Des maladies comme la diphtérie, la rougeole et la dengue connaissent une recrudescence faute de vaccinations. L’accès aux soins est quasi inexistant dans certaines zones rurales, obligeant des milliers de personnes à parcourir des centaines de kilomètres pour recevoir un traitement.


La guerre a provoqué l’un des déplacements de population les plus massifs au monde. Plus de 4,5 millions de Yéménites ont été forcés de fuir leur domicile. Des camps de réfugiés surpeuplés et insalubres accueillent ces déplacés internes, où les conditions de vie sont extrêmement précaires. Les femmes et les enfants sont les plus vulnérables, étant souvent victimes de violences, d’exploitation et de mariages forcés.


Les enfants paient le plus lourd tribut de cette guerre interminable. Selon l’UNICEF, un enfant meurt toutes les 10 minutes au Yémen de causes liées à la malnutrition et aux maladies. Des milliers d’enfants ont été recrutés par les différentes factions comme soldats ou espions. L’accès à l’éducation est quasi inexistant, avec plus de 2 millions d’enfants déscolarisés en raison de la destruction des écoles et du déplacement des familles.

Cette génération sacrifiée risque de porter les traumatismes du conflit pour des décennies, compromettant l’avenir du pays et aggravant la spirale de violence.



Indifférence et Réactions Internationales : Entre Compassion Sélective et Intérêts Géopolitiques


Alors que la guerre en Ukraine ou au Proche-Orient occupe le devant de la scène médiatique, le Yémen souffre d’une indifférence alarmante. Plusieurs facteurs expliquent ce manque de couverture médiatique :

  • Un conflit complexe et morcelé, difficile à comprendre pour le grand public.

  • Un accès restreint des journalistes en raison de la dangerosité du terrain et des restrictions imposées par les belligérants.

  • Un manque d’intérêt des grandes puissances occidentales, qui ne considèrent pas le Yémen comme un enjeu prioritaire par rapport à d’autres crises.


L’ONU occupe cependant une place fondamentale dans l’acheminement de l’aide humanitaire, mais son action est entravée par des blocages diplomatiques et un manque de moyens. Le Programme alimentaire mondial (PAM) peine à obtenir les financements nécessaires pour nourrir les populations affamées. Le Conseil de sécurité de l’ONU est paralysé par les intérêts divergents de ses membres, notamment les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, qui continuent de vendre des armes à la coalition saoudienne. Les tentatives de négociation sous l’égide de l’ONU aboutissent rarement à des avancées concrètes, les belligérants privilégiant leurs intérêts militaires et économiques.


Les puissances occidentales, malgré leurs discours sur les droits de l’homme, ont largement contribué à la prolongation du conflit par leur soutien militaire à la coalition saoudienne. Les États-Unis et le Royaume-Uni sont les principaux fournisseurs d’armes de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. La France continue d’entretenir des relations stratégiques avec Riyad, notamment en matière de ventes d’armes et de coopération militaire. L’Iran, quant à lui, alimente les Houthis en armes et en soutien logistique, aggravant le conflit dans le cadre de sa rivalité avec l’Arabie saoudite.


Face à l’inaction des États, les ONG humanitaires sont les seules à alerter sur la situation catastrophique du Yémen. Des organisations comme Médecins Sans Frontières, Oxfam ou le Comité international de la Croix-Rouge mènent des opérations de secours nécessaires malgré des financements insuffisants et des conditions de travail extrêmement dangereuses.

Dans certains pays, des mouvements citoyens et des pétitions demandent la fin des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, mais ces initiatives restent marginales et peinent à influencer les gouvernements.


Un Risque d’Explosion Régionale si l’Indifférence Persiste


Laisser le Yémen sombrer dans l’oubli ne ferait qu’aggraver la crise et pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’ensemble du Moyen-Orient :

  • Une montée en puissance des groupes terroristes, profitant du chaos pour recruter et mener des attaques à l’étranger.

  • Une déstabilisation de la mer Rouge, voie stratégique pour le commerce mondial, déjà menacée par des attaques houthis sur les navires.

  • Un conflit qui pourrait s’étendre à d’autres pays de la région si l’Iran et l’Arabie saoudite intensifient leur rivalité par procuration.


L’inaction de la communauté internationale face au drame yéménite est un échec moral et politique. Tant que les intérêts économiques et géopolitiques primeront sur la protection des civils, le Yémen continuera d’être le théâtre d’une tragédie silencieuse, où des millions d’êtres humains luttent simplement pour survivre. Briser l’indifférence et exiger des actions concrètes est un impératif moral. Le monde ne peut pas se permettre de détourner le regard plus longtemps.


 

Lexique


Houthis (Ansar Allah) : Mouvement politico-religieux zaïdite originaire du nord du Yémen, engagé dans une rébellion armée contre le gouvernement central depuis 2004. Acteur majeur du conflit actuel.


Coalition arabe : Alliance militaire dirigée par l’Arabie saoudite (avec l’appui des Émirats arabes unis) lancée en 2015 pour soutenir le gouvernement reconnu par la communauté internationale face aux Houthis.


Conseil présidentiel de leadership : Structure politique mise en place en 2022 pour gouverner le sud du Yémen, soutenue par l’Arabie saoudite et la communauté internationale.


Conseil de transition du Sud (CTS) : Mouvement séparatiste soutenu par les Émirats arabes unis, qui revendique l’indépendance du sud du Yémen.


Printemps arabe : Vague de soulèvements populaires dans le monde arabe en 2011. Au Yémen, il a conduit à la démission du président Ali Abdallah Saleh.


Jus cogens : Normes impératives du droit international auxquelles aucun État ne peut déroger (ex : interdiction du génocide, droit à l’autodétermination).


Obligations erga omnes : Obligations juridiques qui lient tous les États envers la communauté internationale (ex : prévention du génocide).


Cour internationale de justice (CIJ) : Organe judiciaire principal de l’ONU chargé de trancher les différends juridiques entre États et de rendre des avis consultatifs.


Convention de Genève (1949) : Ensemble de traités internationaux fixant les règles de protection des civils en temps de guerre.


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