
LES PORTRAITS SONORES
Nos portraits sonores vous emmènent au cœur d’histoires singulières, celles de figures méconnues, de témoins oubliés ou d’héroïnes et héros anonymes, dont les voix se sont trop souvent perdues dans les méandres du temps. À travers une narration immersive, des témoignages ou textes interprétés par des comédiens et comédiennes, nous tissons ces récits pour leur redonner toute leur humanité et leur résonance.
Chaque épisode vous propose un regard sur des destins marqués par le courage face à l’oppression, la résilience face à l’adversité ou encore le silence imposé par l’oubli. Ces voix, qui résonnent à travers les âges, portent en elles des leçons universelles sur l’espoir, la justice et la nécessité de la mémoire.
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Missak Manouchian, de la plume à l'Affiche Rouge
"Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine."
Du génocide arménien à l’Affiche Rouge, Missak Manouchian incarne une figure emblématique qui transcende les époques et les luttes. Poète engagé, il fut l'un de ces artistes qui ont façonné l'Histoire à travers leur plume, témoignant de la résilience et de la lutte des opprimés. Héros et symbole de la résistance communiste, Missak Manouchian aurait souhaité être reconnu avant tout pour son œuvre littéraire. Cependant, chaque mot qu'il a couché sur le papier résonne comme un écho de ses combats et de son destin tragique. Ses poèmes, imprégnés de l'âme d'un révolutionnaire, capturent l'esprit de son époque et la lutte pour la justice et la liberté.
Mahmoud Darwich, la voix poétique de la Palestine
"Le temps de Gaza n’est pas neutre, il n’envoûte pas le monde de froide impassibilité, mais contre le réel il se heurte et il explose ! Le temps là-bas ne transporte pas les enfants de l’enfance à la vieillesse, mais d’un bond, dès leur premier choc avec l’ennemi, il en fait des hommes."
Mahmoud Darwich n’est pas seulement un poète : il est la voix d’un peuple en exil, en souffrance, le chantre de la résistance palestinienne, et la conscience littéraire de sa nation. Né en 1941 à Birwa, un village détruit lors de la création de l’État d’Israël, il traverse un destin marqué par l’occupation, le déracinement et l’errance, incarnant à travers sa vie et son œuvre l’histoire tourmentée de la Palestine.
Sa poésie, d’une puissance universelle, transcende les frontières culturelles et politiques. Elle explore les thèmes de la mémoire, de l’identité, de la perte et de l’exil, tout en célébrant avec une tendresse poignante la beauté de sa terre natale.
Par ses mots, Darwich redonne à la Palestine une dignité, une humanité, et une profondeur qui résistent à l’effacement de l’histoire et au poids de l’oppression. Mais Darwich n’est pas qu’un témoin du drame palestinien ; il est un alchimiste des mots, transformant la douleur individuelle et collective en une poésie lumineuse et universelle. Chaque vers devient un acte de résistance pacifique, une réaffirmation de l’existence face à l’injustice. Son style, mêlant un lyrisme envoûtant et un engagement inébranlable, fait de lui un poète dont la portée dépasse le conflit israélo-palestinien.
Martin Luther King, un rêve inachevé
Depuis des décennies, Martin Luther King Jr. incarne bien plus qu’un simple chapitre de l’histoire américaine : il est le symbole vivant de la lutte pour la justice, la dignité humaine et l’égalité entre tous. Son discours historique "I Have a Dream", prononcé le 28 août 1963 devant plus de 250 000 personnes rassemblées à Washington, a traversé le temps comme un cri d’espérance. Il a osé rêver d’une Amérique réconciliée avec ses idéaux fondateurs, où la couleur de la peau ne serait plus un fardeau, mais une richesse au sein d’une humanité partagée.
Ce rêve, Martin Luther King l’a porté à bout de bras, en affrontant la haine sans jamais renoncer à la non-violence, inspiré par Gandhi et ancré dans une foi inébranlable. Il a marché, prêché, dialogué, mobilisé. Mais derrière l’icône, il y avait un homme traqué, menacé, épuisé. Dès la fin des années 1960, le climat se durcit. La guerre du Vietnam fracture l’opinion publique ; Martin Luther King, en dénonçant ouvertement ce conflit, élargit son combat au-delà des droits
civiques, au risque de se mettre à dos une partie de ses soutiens. Le FBI, dirigé par J. Edgar Hoover, le considère comme subversif. Il est surveillé, harcelé, discrédité. À la figure du héros s’oppose désormais celle d’un homme perçu comme dangereux par l’establishment. Et pourtant, il continue. Il s’engage auprès des ouvriers en grève, des pauvres, des laissés-pour-compte d’un système qu’il juge profondément inégalitaire.
Le 4 avril 1968, à Memphis, une balle met fin à sa vie. Mais pas à son combat. Le rêve de Martin Luther King n’a pas été enterré avec lui : il a survécu dans les luttes qui ont suivi, dans les marches, les voix, les chants de ceux qui refusent l’injustice.
Pourtant, plus d’un demi-siècle plus tard, ce rêve vacille à nouveau. Les avancées durement conquises sont fragilisées. La remise en cause des droits des minorités, les violences policières, la montée des discours haineux ou identitaires, les inégalités sociales criantes, témoignent d’un retour en arrière préoccupant. La promesse d’égalité est loin d’être tenue. Et l’Amérique d’aujourd’hui – comme bien d’autres sociétés à travers le monde – semble hésiter entre progrès et repli, entre inclusion et exclusion. C’est pourquoi le message de Martin Luther King reste d’une brûlante actualité. Il nous rappelle que l’égalité n’est jamais acquise, qu’elle doit être défendue sans relâche. Que la paix véritable ne peut exister sans justice. Et que la force d’un rêve peut changer le cours de l’histoire – à condition qu’on le fasse vivre.