LANGUES ET MEMOIRES
Les langues et le langage représentent nos premiers outils de communication. Ils sont les vecteurs essentiels qui transmettent une culture, une histoire, et témoignent de la richesse d'un pays ou d'un peuple. Nous rencontrons des langues oubliées, des langues éteintes, des langues en danger ainsi que des langues contemporaines ou émergentes, chacune portant en elle des récits uniques et des trésors linguistiques.
Je vous propose de partir à la découverte de l'histoire des langues et d'explorer leur impact sur la grande histoire ainsi que sur nos récits personnels et nos cultures individuelles. Comment ces langues façonnent-elles notre compréhension collective du monde ? Pourquoi et comment une langue s'éteint-elle ? Comment une langue peut-elle émerger pour devenir la langue officielle d'un pays ou d'un peuple ?
En examinant ces dynamiques linguistiques, nous tenterons de comprendre les mécanismes complexes qui président à la disparition ou à l'apparition des langues. Nous percevrons également l'impact de ces changements sur la diversité culturelle, la transmission du savoir et la préservation de l'identité nationale. À travers cette exploration, nous pourrons ainsi nous rendre compte de l'importance de la sauvegarde des langues et la richesse qu'elles apportent à notre patrimoine mondial.
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Quelle est la langue la plus ancienne du monde ?
Existe-t-il réellement une seule langue mère, une racine unique ayant donné naissance à toutes les langues que nous connaissons aujourd'hui ? Comment une seule langue dotée d'un unique alphabet aurait-elle pu être à l'origine des plus de 7000 langues parlées dans le monde ?
Pour ce premier épisode , j'ai souhaité remonter très loin dans le passé afin d'en apprendre davantage sur la plus ancienne langue connue au monde. Cependant, mes recherches ont rapidement suscité une réflexion essentielle : peut-on réellement parler d'une seule langue plus ancienne que toutes les autres ? Cette quête nous entraînera dans une exploration fascinante, questionnant les origines linguistiques et la complexité de l'évolution des langues à travers les âges.
La question des origines linguistiques a depuis longtemps intrigué et mobilisé les efforts d'anthropologues, d'archéologues, de généticiens et de linguistes. L'idée d'une langue mère relève d'une longue histoire de conjectures. Dès le Moyen Âge, une croyance en l'existence d'une langue originelle de l'humanité existait.
Cette conception a persisté jusqu'à l'épisode de la tour de Babel, où, selon le récit biblique, les habitants de Babylone, parlant initialement une seule langue, entreprirent de construire une tour s'élevant jusqu'aux cieux, cherchant ainsi à accéder directement au Paradis. Pour les empêcher, Dieu aurait créé un désaccord linguistique en instaurant une diversité de langues, provoquant l'incompréhension entre les hommes.
Au fil du temps, plusieurs langues ont été considérées comme étant la langue originelle d'Adam et Ève : l'hébreu, le latin ou le grec ont été envisagés, chacun revendiquant cette origine. En parallèle, dans la tradition musulmane, l'idée que la première langue de l'humanité était l'arabe a persisté.
Ces différentes croyances et spéculations reflètent la fascination de l'humanité pour l'origine et l'évolution des langues, mais elles soulignent également la complexité et la diversité des récits et des interprétations à travers les cultures et les religions.
La Pierre de Rosette, voyage en Egypte à la découverte des hieroglyphes
La Pierre de Rosette demeure l'une des découvertes linguistiques les plus marquantes de notre époque. Elle a joué un rôle primordial dans la compréhension de l'écriture égyptienne, notamment des hiéroglyphes. Grâce à cette pierre, les mystères des hiéroglyphes ont été en grande partie dévoilés, permettant l'acquisition de clés précieuses pour déchiffrer et comprendre cette ancienne forme d'écriture.
La Pierre de Rosette est une stèle gravée datant de l'Égypte antique, célèbre pour avoir été la clé essentielle du déchiffrement des hiéroglyphes. Découverte en 1799 par l'armée française lors de l'expédition en Égypte dirigée par Napoléon Bonaparte, la pierre fut trouvée à Rosette (Rashid en arabe), une ville située dans le delta du Nil. Cette stèle était un document crucial, car elle contenait un même texte gravé en trois écritures différentes : les hiéroglyphes égyptiens, le démotique (une forme d'écriture cursive) et le grec ancien.
La Pierre de Rosette est rapidement devenue emblématique pour son rôle dans la compréhension des hiéroglyphes et a ouvert la voie à la traduction de nombreuses inscriptions et documents anciens égyptiens. Elle demeure un symbole important pour les traducteurs, les linguistes et les égyptologues, car elle a permis de déverrouiller une grande partie du savoir de l'Égypte antique et de mieux comprendre son histoire, sa culture et sa langue.
Yiddish, une langue meurtrie par la guerre
Dans ce nouveau volet de Langues et Mémoires, nous allons découvrir l'histoire du Yiddish, une langue germanique parlée par les communautés juives ashkénazes, aujourd'hui quasiment éteinte.
Le Yiddish, issu du mélange de l'allemand médiéval avec des éléments hébreux, slaves et araméens, a longtemps été la langue principale des Juifs ashkénazes. Cette langue, riche en littérature, traditions orales et culture populaire, a prospéré pendant des siècles, étant le moyen de communication et d'expression privilégié pour ces communautés.
Cependant, au fil du temps et en raison de multiples facteurs tels que l'assimilation, les migrations, les bouleversements politiques et les changements culturels, le Yiddish a progressivement perdu sa place au sein des communautés juives.
Aujourd'hui, il est quasiment éteint, relégué aux archives, aux rares locuteurs natifs et à un héritage culturel en déclin. Cette chronologie historique du Yiddish nous permettra de mieux appréhender les forces qui ont conduit à la disparition progressive de cette langue autrefois florissante, ainsi que l'impact de cette perte sur la mémoire collective et la richesse culturelle des communautés juives ashkénazes.
Contrairement à l'idée reçue qui le dépeint comme un simple dialecte germanique dégradé, le Yiddish s'est formé au fil des siècles en tant que langue dépourvue de territoire spécifique, sans le soutien d'un État, répondant aux besoins d'un peuple dispersé. Au cours de plusieurs générations, il a forgé son propre vocabulaire et sa grammaire, évoluant au gré des besoins et des échanges culturels.
Considéré comme une langue universelle par certains et stigmatisé comme un jargon de ghetto par d'autres, le Yiddish a connu une transformation drastique après la Seconde Guerre mondiale, passant d'une langue culturelle florissante à un symbole de souffrance et de honte. Marqué par un passé tourmenté et négligé dans le présent, le Yiddish demeure une langue distincte à part entière, aujourd'hui classée en danger par l'UNESCO.
Lingala, lorsque les deux Congo se rejoignent
Dans ce tout nouvel épisode de Langues et Mémoires, j'ai le plaisir de vous présenter un épisode réalisé autour de l'histoire fascinante du lingala, avec Mélissa, créatrice du podcast L’Afropolitaine et enseignante chez Lingala Lessons.
Le lingala est une langue parlée par plus de 10 millions de personnes dans une vaste région qui s'étend du nord-ouest de la République Démocratique du Congo jusqu'à sa capitale, Kinshasa, et au nord de la République du Congo, particulièrement dans certaines parties de sa capitale, Brazzaville.
Mélissa nous éclairera sur les origines de cette langue riche, nous faisant voyager à travers les racines historiques du lingala et nous permettant de mieux saisir son développement, son importance culturelle et son impact dans la vie quotidienne de millions de locuteurs.
Initialement considéré comme l'une des quatre langues nationales, le lingala a rapidement évolué pour devenir, en quelques décennies seulement, la langue la plus parlée en République Démocratique du Congo.
Dans un pays où coexistent plus de 200 ethnies et où la langue officielle, le français, est souvent réservée aux élites en raison de sa complexité, le lingala revêt une signification particulière. Il est perçu, à bien des égards, comme un bien commun partagé par les Congolais, quelles que soient leurs origines.
Tamazight, une lutte pour une reconnaissance officielle
En Algérie, la revendication pour l'acceptation de la langue amazighe ne date pas d'hier. Cependant, le printemps berbère en 1980 est largement considéré comme le point de départ majeur d'une lutte pour la reconnaissance de cette langue en tant qu'élément essentiel de l'identité nationale. L'année 1992 a marqué le début du processus de reconnaissance officielle avec l'ouverture des départements de langue et de culture amazighes à l'université.
Dans cet épisode, je vous propose de retracer la chronologie du Tamazight, une langue millénaire parlée dans toute la région de l'Afrique du Nord, des îles Canaries à l'oasis de Siwa en Égypte, et jusqu'en Mauritanie, dans le nord du Mali, du Niger et au Burkina Faso. Son parcours vers la reconnaissance officielle reflète les luttes et les aspirations des communautés amazighes pour la sauvegarde de leur identité linguistique et culturelle. Le Tamazight figure parmi les langues les plus anciennes de l'humanité, mais c'est aussi la langue la plus marginalisée en Afrique du Nord.
Elle est une survivante, ayant été exclusivement orale pendant des siècles, souvent réprimée et considérée comme un langage inférieur, celui du quotidien et du populaire, en opposition à la langue sacrée du Coran. Malgré ces obstacles, le Tamazight est une langue résiliente qui mène une lutte et remporte ses batailles grâce à la richesse de son oralité et de sa traduction. Je vous partagerai donc les origines profondes de cette langue, son parcours historique et surtout comment sa reconnaissance officielle est devenue un combat continu. La reconnaissance du Tamazight représente une quête persistante pour la préservation et la valorisation d'une langue ancienne et diversifiée, ancrée dans la culture et l'histoire de multiples sociétés en Afrique du Nord.