Le Parlement israélien, la Knesset, a récemment adopté une loi controversée permettant la détention de mineurs palestiniens de moins de 14 ans, accusés d'actes qualifiés de terroristes. Cette législation s'inscrit dans un contexte géopolitique extrêmement tendu et soulève des préoccupations majeures quant au respect du droit international et des droits de l'enfant.
Contexte géopolitique : une escalade dans la violence et une crise humanitaire à Gaza
Depuis le 7 octobre 2023, une guerre dévastatrice oppose Israël au Hamas, marquée par des bombardements massifs qui ont transformé Gaza en un véritable champ de ruines. Ce territoire densément peuplé, déjà soumis à un blocus israélien depuis de nombreuses décennies, vit aujourd'hui une crise humanitaire sans précédent, qualifiée par de nombreuses organisations internationales de catastrophe majeure. Israël est accusé de crimes contre l'humanité et de génocide dans le cadre de ses opérations militaires à Gaza. Les frappes aériennes intensives ont causé la mort de milliers de civils, dont une proportion importante de femmes et d'enfants. Des infrastructures essentielles, telles que les hôpitaux, les écoles et les réseaux d'eau et d'électricité, ont été détruites, rendant la survie quotidienne presque impossible pour les habitants. Les Nations Unies et la Cour Pénale internationale ont dénoncé des violations systématiques du droit international humanitaire, évoquant des attaques disproportionnées et délibérées contre des zones civiles.
A Gaza, les souffrances sont aujourd'hui indescriptibles. Des familles entières ont été anéanties, des milliers de blessés gisent sans soins adéquats dans des hôpitaux débordés ou détruits. Les survivants, quant à eux, vivent dans un état constant de terreur et de deuil, tandis que des millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du territoire, sans abri ni ressources de base. Il ne reste presque rien de Gaza : des quartiers entiers ont été rasés, et les rares infrastructures encore debout sont souvent inutilisables.
Dans ce contexte, la politique israélienne est perçue comme une stratégie visant à éradiquer non seulement les structures du Hamas, mais également toute capacité de résilience de la population palestinienne. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, cette même logique se manifeste par une intensification des démolitions de maisons, des expropriations, et des arrestations de masse, touchant particulièrement les enfants. Ces actions s'inscrivent dans ce que des experts qualifient de politique de punition collective et de déplacements forcés, des pratiques prohibées par les Conventions de Genève et assimilées à des crimes contre l'humanité.
Face à cette situation, la communauté internationale est profondément divisée. Alors que certains Etats et organisations continuent de soutenir Israël sous prétexte de son droit à se défendre, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer des pratiques qui dépassent les limites de la légitime défense et s'apparentent à des actes de répressions systématiques. La nouvelle loi sur la détention des mineurs s'inscrit dans ce climat de violence généralisée, où les droits fondamentaux des Palestiniens, y compris ceux des enfants, sont ignorés ou systématiquement bafoués.
Explications et détails de la loi : nouvelle législation controversée
La loi récemment adoptée par la Knesset représente un tournant significatif dans la gestion judiciaire des mineurs palestiniens en Israël. Elle autorise pour la première fois la détention de mineurs âgés de moins de 14 ans, une mesure qui avait jusqu'à présent été exclue des pratiques judiciaires pour cette tranche d'âge. Cette législation, présentée comme temporaire pour une durée initiale de 5 ans, reflète une réponse directe au climat de tension et de violence persistante dans les territoires occupés et en Israël.
La loi permet aux tribunaux israéliens de prononcer une peine de détention pour des enfants palestiniens âgés de 12 à 14 ans s'ils sont reconnus coupables de meurtres ou d'actes qualifiés de terroristes. Le caractère terroriste des actes est défini de manière large, incluant des actions perçues comme des menaces pour la sécurité d'Israël ou des activités associées à des groupes qualifiés de terroristes.
Avant d'atteindre l'âge de 14 ans, les mineurs condamnés sont placés dans des résidences sécurisées, des installations de type carcéral mais adaptées à leur jeune âge. Dès qu'ils atteignent 14 ans, ces mineurs peuvent être transférés en prison pour purger le reste de leur peine. Ce transfert est conditionné par une audience supplémentaire qui détermine si la peine sera maintenue, réduite ou annulée.
La loi prévoit que si un mineur représente un danger imminent pour la sécurité ou s'il est impliqué dans des actions portant préjudice à autrui, le tribunal peut ordonner sa détention en prison pour une période maximale de 10 jours, même avant l'âge de 14 ans. Ce délai peut être prolongé en cas de récidive, le tribunal ayant le pouvoir de décider de mesures plus longues ou plus strictes.
Le ministre de la Justice a la possibilité de prolonger cette disposition temporaire par tranches de deux ans, avec l'approbation de la Commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset. Cela ouvre la voie à une application prolongée de cette législation, malgré son caractère annoncé comme temporaire.
Les défenseurs de la loi la présentent comme une réponse nécessaire à la montée des violences terroristes impliquant des mineurs. Ils justifient cette mesure par le besoin de protéger les citoyens israéliens et de dissuader les attaques terroristes, dans un contexte où les mineurs sont de plus en plus impliqués dans des activités violentes, souvent encouragés par des organisations palestiniennes.
Cependant, la loi est critiquée pour son manque de clarté et les risques de dérives qu’elle engendre. Le terme « terroriste » n’est pas strictement défini, ce qui permet une large interprétation pouvant inclure des actes mineurs ou symboliques. Cette absence de précision soulève des inquiétudes quant à la possibilité de criminaliser des enfants pour des actions non violentes, comme des manifestations ou des jets de pierres.
De plus, les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent le caractère discriminatoire de la loi, qui vise exclusivement les enfants palestiniens sans inclure les mineurs israéliens. Cela renforce la perception d’un système judiciaire à deux vitesses dans les territoires administrés par Israël. Enfin, la loi est également critiquée pour son incompatibilité avec les principes de justice juvénile, qui privilégient généralement la réhabilitation à la punition, particulièrement pour les mineurs.
La place des enfants dans le droit international : une priorité absolue
Dans le droit international, les enfants occupent une place privilégiée, reconnue comme un groupe particulièrement vulnérable nécessitant une protection renforcée. Les États ont l’obligation de garantir leurs droits fondamentaux et de les préserver des conséquences des conflits, en leur offrant un environnement qui favorise leur développement, leur éducation et leur bien-être. Cette priorité découle de plusieurs instruments juridiques internationaux, dont le plus emblématique est la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) adoptée en 1989.
Ratifiée par Israël en 1991, la CIDE impose aux États parties des obligations strictes en matière de protection et de prise en charge des enfants, y compris en situation de conflit. L’article 37 stipule clairement que la détention des mineurs ne doit être qu’une mesure de dernier recours et pour la durée la plus courte possible. Elle souligne également que les enfants doivent être traités avec humanité et dignité, être séparés des adultes en détention, et bénéficier d’un accès à l’éducation et aux services de santé.
L’article 38 de la CIDE, quant à lui, engage les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants affectés par les conflits armés. Il interdit leur recrutement dans des forces armées ou leur participation à des hostilités avant l’âge de 15 ans, et encourage leur réhabilitation lorsqu’ils ont été exposés à de telles situations. En ciblant les mineurs palestiniens à travers des mesures législatives et punitives sévères, la loi israélienne entre directement en conflit avec ces engagements, puisque l’incarcération devient un outil premier, plutôt qu’un dernier recours, pour traiter des actes perçus comme liés au terrorisme.
Les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels reconnaissent également une protection spéciale aux enfants dans les conflits armés. Ces textes obligent les parties à un conflit à protéger les civils, en accordant une attention particulière aux enfants, qui doivent être épargnés des conséquences des hostilités et des représailles. L’article 50 de la Quatrième Convention de Genève impose aux puissances occupantes de faciliter l’éducation et les soins aux enfants des territoires occupés. Les actions punitives contre les mineurs, y compris leur détention ou leur transfert dans des prisons, vont à l’encontre de cette obligation.
Par ailleurs, l’article 77 du Protocole additionnel I stipule que les enfants doivent être « l’objet d’un respect particulier » et protégés contre toute forme de violence, y compris l'exploitation ou la punition collective. Cela inclut une interdiction stricte de l'utilisation de sanctions discriminatoires ou disproportionnées, comme c'est souvent le cas dans le cadre des lois appliquées aux mineurs palestiniens.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a, à plusieurs reprises, souligné l'importance de protéger les enfants dans les zones de conflit armé. Des résolutions comme la 1612 (2005) et la 2427 (2018) réaffirment que les enfants doivent être préservés de toute forme de violence, notamment la détention arbitraire, et que leur bien-être doit être prioritaire dans les réponses étatiques aux situations de crise.
Les Principes de Paris de 2007, bien qu'ils ne soient pas juridiquement contraignants, offrent un cadre de référence pour les pratiques internationales en matière de justice juvénile dans les conflits armés. Ils recommandent une approche centrée sur la réhabilitation et la réintégration des enfants affectés, plutôt que sur la punition.
Dans le cadre du conflit israélo-palestinien, les enfants palestiniens sont souvent doublement victimes : victimes des violences physiques et psychologiques infligées par le conflit, mais aussi des politiques de criminalisation qui les assimilent à des auteurs d'actes terroristes. Pourtant, le droit international reconnait que les enfants impliqués dans des actes violents dans des contextes de guerre sont avant tout des victimes de la manipulation ou de la coercition de groupes armés. En criminalisant des enfants pour des actes souvent influencés par le contexte de guerre, Israël s'éloigne des normes internationales qui favorisent la réhabilitation. Ces enfants, déjà traumatisés par la perte de leurs proches, la destruction de leurs foyers, et les conditions de vie déplorables, subissent une nouvelle forme de violence en étant exposés à des conditions de détention sévères, sans accès à un processus de justice adapté à leur âge et à leur vulnérabilité.
La place des enfants dans le droit international est celle d'un groupe nécessitant une protection renforcée, en particulier en temps de conflit. Les lois comme celle adoptée par Israël, qui ciblent les mineurs palestiniens, ne respectent ni l'esprit ni la lettre des conventions internationales. Elles perpétuent une dynamique punitive au lieu de chercher à reconstruire des trajectoires de vie pour ces jeunes victimes du conflit. En cela, elles représentent un défi majeur au cadre juridique international et à la capacité de la communauté internationale à garantir la dignité et les droits de l'enfant dans les zones de guerre.
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Lexique
Knesset : Le parlement israélien, composé de 120 membres, responsable de l'adoption des lois en Israël
Convention relative aux droits de l'enfant (CIDE) : Traité international adopté par l'ONU en 1989, visant à garantir la protection et les droits fondamentaux des enfants à travers le monde.
Quatrième Convention de Genève : Accord international adopté en 1949 pour protéger les civils dans les conflits armés, y compris les populations vivant sous occupation étrangère.
Protocole additionnel I : Extension des Conventions de Genève adoptée en 1977, précisant les protections pour les civils, notamment les enfants, dans les conflits internationaux.
Résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies : Décisions prises par le principal organe de l’ONU pour maintenir la paix et la sécurité internationale. Certaines, comme la résolution 1612 (2005), sont spécifiques à la protection des enfants dans les conflits armés.
Blocus de Gaza : Restrictions imposées par Israël et l’Égypte depuis 2007 sur les mouvements de biens et de personnes à destination et en provenance de la bande de Gaza.
Principes de Paris : Directives internationales adoptées en 2007 visant à protéger les enfants affectés par les conflits armés et à favoriser leur réhabilitation et réintégration.
Blocus humanitaire : Situation dans laquelle l’accès aux biens de première nécessité (nourriture, eau, médicaments) est limité ou empêché, souvent en violation du droit international humanitaire.
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